le paradis blanc

On entre sur ces territoires vierges comme en fragilité, avec crainte et sans bien savoir ce que l’on va découvrir sur ce sol glacé. Que connaît-on des pôles et des déséquilibres qui peuvent traverser nos vies ? Qu’ont-ils en commun, même ? Rien a priori. Et pourtant, France Dubois révèle dans cette série à quel point les deux se font écho.

Dans un décor glacial, d’un blanc immaculé, elle convoque un univers silencieux, inconnu, dans lequel chaque pas est étouffé. On aurait envie de chuchoter pour éviter de briser l’apparente harmonie qui se dégage des paysages et des portraits. Et pourtant, la faille est là, infime ou élargie, il y a ce que l’on voit et ce que l’on ignore, à la manière d’un iceberg prêt à dériver.

On oscille entre la force des éléments et la fissure qui provoquera la fonte des émotions comme des glaces. Sous la roche, la fin d’un monde qui gronde sans vacarme. C’est un lent processus que nul ne peut comprendre si on ne l’a pas vécu soi-même. La dérive des pôles ou celle des êtres vivants, cela existe, et nous engloutit, inexorablement.

Territoire hostile, la nature polaire offre alors une merveilleuse allégorie : il faut fouler cette terre pour en revenir transformé, pour accéder à sa propre force, pour embrasser toute sa fragilité. Il faut protéger ce qui nous constitue pour accéder à l’équilibre imparfait, balancier du monde et de nos vies, écouter nos natures profondes pour mieux les préserver.

La démarche de France Dubois, qui met en miroir images d’un monde qui s’effondre en résonnance avec des portraits de personnes traversant des périodes de fragilité, questionne ainsi : et si accéder à notre vulnérabilité nous permettait de nous reconnecter à ce qui nous lie au vivant dans son intégralité, nous-même et la nature qui nous entoure, avec l’immensité comme la possibilité de renaître, et de vivre en harmonie avec nos failles et nos fissures.

Texte de Marie Lemeland